Instrument de paix entre
Louis roi de France
et Jacques roi d'Aragon,
convenue en raison de certaines terres restituées entre eux.
1. Enoncé du différend à régler
Que tous sachent que, comme il existait un différend entre le seigneur roi de France, d'une part,
et le seigneur roi d'Aragon, de Majorque et de Valence, comte de Barcelone et d'Urgell et seigneur de
Montpellier, d'autre part, au sujet de ce que :
d'un côté, le seigneur roi de France disait que faisaient partie du royaume de France et de ses
fiefs, avec leurs dépendances, les comtés de :
Barcelone,
Besalú,
Roussillon,
Ampourdan,
Cerdagne,
Urgell,
Conflent,
Gérone,
et Ausona ;
et de l'autre côté, le dit seigneur roi d'Aragon disait au contraire qu'il avait droit, avec les
honneurs et droits universels, et avec leurs dépendances à :
Carcassonne et le Carcassès,
Rennes et le Razès,
Lauracus et le Lauragais,
Termes et le Termenès,
Béziers et la vicomté de Biterrois,
Agde et l'Agathois,
Albi et l'Albigeois,
Rodez et le Ruthénois,
le comté de Foix,
Cahors et le Quercy,
Narbonne et son duché,
Minerve et le Minervois,
Fenouillet et le Fenouillèdes,
le pays de Sault,
Peyrepertuse et le Peyrepertusès,
Millau et tout son comté,
Crédona avec sa vicomté,
le Gévaudan,
Nîmes et le Nîmois,
Toulouse et tout le comté de Toulouse et Saint-Gilles.
2. Délégation et procuration
Alors nous : Arnaud, par la grâce de Dieu évêque de Barcelone, Guillaume, prieur de Sainte-Marie
de Cornelian, Guillaume de Rochefeuil, tenant lieu dudit seigneur roi d'Aragon à
Montpellier, procuratores* envoyés spécialement par le seigneur roi d'Aragon au seigneur roi de France,
nous sommes personnellement rendus auprès de lui et lui avons présenté les lettres de procuration,
scellées du sceau du seigneur roi d'Aragon, adressées au seigneur roi de France dans ces termes :
[...lettres du roi d'Aragon...]
3. Accord général de renonciation réciproque
Finalement, après de nombreuses discussions tenues en différents lieux et avec le conseil de gens
de bien, nous avons abouti avec le seigneur roi de France au compromis et transaction qui suit.
3.1. Renonciation du roi de France
Le seigneur roi de France, pour lui et ses héritiers et successeurs, au seigneur roi d'Aragon, et
à ses héritiers et successeurs à perpétuité, ainsi qu'aux ayant-droit de lui-même et de ses ancêtres,
et à nous procuratores du seigneur roi d'Aragon agissant en son nom, a défini, abandonné, cédé et entièrement
renoncé à tout droit et possession ou assimilé, qu'il avait ou pouvait avoir ou même disait avoir, tant
en domaines ou seigneuries, qu'en fiefs ou autres, dans les comtés susmentionnés de :
Barcelone et Urgell,
Besalú,
Roussillon,
Ampourdan,
Cerdagne,
Conflent,
Girone,
et Ausona ;
avec tous les honneurs, hommages, juridictions et droits universels, et avec leurs composantes et
dépendances, et avec tous les fruits et revenus perçus par le roi d'Aragon et ses ancêtres et qui pourront
être perçus ; promettant, et à ce se liant lui et ses héritiers et successeurs à perpétuité, qu'il ne
réclamera ni ne demandera plus rien en tout ou en partie, directement ou par personne interposée ; renonçant
totalement et expressément, pour lui, ses héritiers et ses successeurs, à toutes chartes et instruments,
s'il en avait, voulant et décrétant qu'ils soient nuls, et promettant qu'il les rendra tous au seigneur
roi d'Aragon ; renonçant spécialement et expressément aussi, pour lui et ses héritiers et successeurs, à
toute aide de droit, tant canonique que civil, ainsi qu'à toute coutume et privilège, réels et personnels,
desquels il pourrait se prévaloir contre ce qui précède ou quelque partie de ce qui précède.
3.2. Renonciation du roi d'Aragon
Réciproquement, nous procuratores susdits, pour le seigneur roi d'Aragon et ses héritiers et successeurs,
et en son nom en qualité de procurator, au seigneur roi de France et aux siens, à ses héritiers et successeurs,
ainsi qu'à ses ayant-droit, nous abandonnons, cédons, définissons et renonçons entièrement, spécialement
et expressément, à tout droit et possession ou assimilé, que le seigneur roi d'Aragon avait, s'il en avait,
ou pouvait avoir, ou disait même avoir, tant en domaines et seigneuries, qu'en fiefs et autres à :
Carcassonne et le Carcassès, ainsi qu'à
Rennes et le Razès,
Laurac et le Lauragais,
Termes et le Termenès,
Minerve et le Minervois,
Fenouillet et le Fenouillèdes,
Peyrepertuse et le Peyrepertusès
le comté de Millau et du Gévaudan,
Nîmes et le Nîmois,
le comté de Toulouse et Saint-Gilles,
ainsi qu'à toute autre terre et juridiction de Raymond, ancien comte de Toulouse,
avec les fruits et revenus perçus de ces terres par lui ou ses ancêtres.
3.3. Exception des fiefs mouvants
Il est toutefois convenu et ordonné que :
D'une part, si des fiefs mouvant de la domination de Fenouillèdes sont situés dans les limites des
comtés de Roussillon ou de Besalú, ou des autres comtés précités, pour lesquels le roi de France a fait
le renoncement et la définition au roi d'Aragon, ils resteront à perpétuité au roi d'Aragon et à ses héritiers
et successeurs, car le roi de France les a cédés et totalement abandonnés au roi d'Aragon, sans
préjudice des droits des tiers éventuels.
D'autre part, si des fiefs mouvant de la domination des susdits comtés sont situés dans les limites
du Fenouillèdes, ils resteront à perpétuité au roi de France et à ses successeurs, et nous les avons cédés
et abandonnés totalement, en qualité de procuratores, pour le seigneur roi d'Aragon, sans préjudice des droits
des tiers éventuels.
Pour ce qui est de Millaud et de son comté, il faut savoir que nous les
avons totalement abandonné, défini et cédé au seigneur roi de France et à ses héritiers et successeurs,
et à ses ayant-droit, comme le même seigneur roi de France les tient et possède, et tels qu'ils sont tenus
et possédés par lui et les siens.
3.4. Engagement de renonciations supplémentaires du roi d'Aragon par ses envoyés
3.4.1
De plus, nous, procuratores susdits, promettons et nous nous engageons de bonne foi à faire en sorte que
le seigneur roi d'Aragon, pour lui et ses héritiers et successeurs, au roi de France et à et ses héritiers
et successeurs, et aux ayant-droit de lui-même et de ses prédécesseurs, définisse et abandonne, cède et
renonce totalement à tout droit, possession ou autre qu'il a, s'il en a ou pourrait en avoir, ou même dit
en avoir, tant en domaines ou seigneuries, qu'en fiefs et autres de quelque nature que ce soit, dans tous
les biens mentionnés ci-dessus, que nous avons définis, abandonnés et remis au seigneur roi de France, et
en outre dans ceux qui sont mentionnés ci-dessous, à savoir :
Béziers et sa vicomté,
Agde et l'Agathois,
Albi et l'Albigeois,
Rodez et le Rouergue,
le comté de Foix,
Cahors et le Quercy,
Narbonne et son duché,
Puylaurens,
Quéribus,
Château Fidèle** et le pays de Sault,
et Crédona et sa vicomté ;
3.4.2.
et aussi à ce que ce seigneur roi d'Aragon cède et concède totalement et expressément,
pour lui et ses héritiers et successeurs, au roi de France, et à ses
héritiers et successeurs, et à ses ayant-droit, tout droit de gage et
d'action qu'il dit avoir dans les territoires susdits,
que feu Pierre, de bonne mémoire, ancien roi d'Aragon,
père du seigneur roi, avait autrefois hypothéqué à Raymond, ancien comte de Toulouse :
Millau et son comté,
Crédona et sa vicomté,
et le Gévaudan,
avec leurs dépendances ;
et par cette composition, tous les actes et instruments que le seigneur roi
d'Aragon a en sa possession concernant cette hypothèque, seront rendus entièrement
au seigneur roi de France.
3.4.3.
En outre, nous, procuratores susdits, en qualité de procuratores, pour le seigneur
roi d'Aragon lui-même, et en son nom, avons totalement abandonné, cédé, remis et promis
également, et nous nous engageons de bonne foi à faire en sorte que le seigneur
roi d'Aragon cède et concède expressément, et donne à perpétuité, en son nom et celui de ses
héritiers et successeurs, au seigneur roi de France et à ses héritiers
et successeurs, et à ses ayant-droit, tout droit qui lui revient, s'il
lui revient, ou par quelque cause, ou raison ou titre pourrait lui revenir à lui ou à ses
héritiers et successeurs, maintenant ou dans le futur de quelque manière que ce
soit dans :
Toulouse et tout le comté de Toulouse et Saint-Gilles,
les terres d'Agenais et de Venaissin ;
ainsi que dans toute autre terre, juridiction et possession de Raymond, ancien comte de Toulouse.
3.4.4.
En effet, nous, procuratores susdits, en qualité de procuratores pour le seigneur roi
d'Aragon et en son nom, au seigneur roi de France et à ses héritiers et successeurs,
et à leurs ayant-droit, définissons, abandonnons, cédons et
remettons entièrement, et nous promettons également et nous nous engageons de bonne foi à faire en
sorte que le même seigneur roi d'Aragon, pour lui et ses héritiers et successeurs,
abandonne, cède et renonce totalement et expressément à tout ce qui précède et en
chacun de ces points, de la manière décrite ci-dessus, avec tous les honneurs,
hommages, et districts, juridictions et droits universels, et avec leurs dépendances, et avec tous
les fruits et revenus perçus par le seigneur roi de France, ou ses ancêtres ou
par d'autres, ainsi perçus et qui pourront également être perçus, et il promettra et à cet
effet s'engagera totalement lui-même et ses héritiers et successeurs, à ne réclamer rien
de tout, cela directement ou par personne interposée, ni ne dérangera le seigneur
roi de France, ou ses héritiers et successeurs, ou aux ayant-droit de lui
ou de ses ancêtres, pour cela ou une partie de ce qui précède, directement ou par
personne interposée à l'avenir.
Nous renonçons totalement et expressément nous-mêmes, procuratores susdits, en
qualité de procuratores pour le seigneur roi d'Aragon, et en son nom, et promettons
et nous engageons de bonne foi à faire en sorte que ce même seigneur roi d'Aragon
renonce totalement et expressément pour lui, et ses héritiers et successeurs, à
toutes chartes et instruments, s'il en avait ou avait eu concernant ce qui précède,
voulant également et décrétant qu'ils soient totalement nuls en ce qui concerne
le préjudice du seigneur roi de France et des siens, et qu'il les lui rendra tous,
le seigneur roi d'Aragon renoncera également totalement et expressément, pour lui
et ses héritiers et successeurs, et nous également, en qualité de procuratores, pour
lui, renonçons à toute aide de droit, tant canonique ou civil que coutumier, et
à tout privilège, réel et personnel, par lesquels le même seigneur roi d'Aragon,
ou ses héritiers et successeurs, pourraient se prévaloir contre ce qui précède ou
une partie de ce qui précède, et que le même seigneur roi d'Aragon donnera au
seigneur roi de France pour tout ce qui précède ses lettres patentes.
4. Signatures
Pour l'observance et l'accomplissement de tout ce qui précède, tel que détaillé
ci-dessus, nous, procuratores susdits, avons prêté serment en présence du seigneur
roi de France, sur les Saints évangiles, pour l'âme du seigneur roi d'Aragon.
En témoignage de quoi, nous avons fait imprimer nos sceaux sur la présente charte.
Cela a été fait dans le palais du seigneur roi de France, à Corbeil, en sa présence,
le 5 mai de l'an du Seigneur mille deux cent cinquante-huit, en présence de :
l'évêque d'Avranches,
le seigneur Louis, fils aîné du seigneur roi,
le seigneur Philippe, fils du même seigneur roi,
Raymond Joscelmi, seigneur de Lunel,
le seigneur Symon de Clary (Claro monte),
le seigneur Nigelle,
le seigneur Gilles, connétable de France,
le seigneur Jean de Ronquerolles,
le seigneur Anselme de Bray,
le seigneur Gervais de Crannes,
chevaliers,
maître Raoul, trésorier de Saint-Frambourg de Senlis,
maître Odon de Lorris,
maître Jean de Nemours,
maître Philippe de Cahors,
maître Jean de Villy,
Ferrier de Lauro, sacristain de Barcelone, et
Arnaud de Gualba, chanoine de Vic.